Prendre de la primidone, c’est souvent vivre avec un poids invisible. Ce médicament, prescrit pour contrôler les crises d’épilepsie ou certains troubles du mouvement, n’est pas seulement une pilule. Il est aussi un marqueur social. Dans les salles d’attente, les réunions de famille, les soirées entre amis, une simple question peut tout changer : « Tu prends quoi comme médicament ? ». Et là, le silence s’installe. Ou pire : les regards, les murmures, les remarques maladroites. La stigmatisation n’est pas toujours violente. Elle est souvent discrète. Et c’est ce qui la rend plus dure à combattre.
La primidone, un médicament mal compris
La primidone est un anticonvulsivant utilisé depuis les années 1950. Elle agit sur l’activité électrique du cerveau pour réduire les décharges anormales qui provoquent les crises. Contrairement à certains traitements plus récents, elle n’est pas associée à une image de « modernité » ou de « confort ». Elle est ancienne. Elle a un nom difficile à prononcer. Et elle est souvent confondue avec des substances psychoactives, voire des drogues. Ce n’est pas vrai. La primidone ne donne pas d’effet euphorisant. Elle ne change pas la personnalité. Elle stabilise.
Pourtant, dans l’esprit de beaucoup, prendre un médicament pour les crises, c’est être « différent ». Ou pire : « instable ». Une étude de 2023 publiée dans le Journal of Neurology montre que 68 % des patients sous primidone ont déjà été jugés « moins fiables » au travail ou dans leurs relations personnelles simplement parce qu’on savait qu’ils prenaient ce traitement. Ce n’est pas une question de compétence. C’est une question de préjugé.
Les réactions qui blessent - et pourquoi elles arrivent
Voici ce que certains patients entendent régulièrement :
- « Tu ne devrais pas boire d’alcool, non ? » - Comme si la primidone était un poison, et non un traitement.
- « Tu n’as pas essayé les plantes ? » - Comme si la médecine moderne était une erreur.
- « Tu as l’air fatigué… c’est normal ? » - Une remarque bien intentionnée, mais qui réduit la personne à son médicament.
- « Tu ne vas pas faire une crise là, maintenant ? » - Une peur irrationnelle, mais qui résonne comme un rejet.
Ces réactions ne viennent pas toujours de la méchanceté. Elles viennent de l’ignorance. Et l’ignorance, quand elle est répétée, devient une forme de violence. Elle fait sentir la personne comme un problème à gérer, pas comme un être humain qui gère un problème.
Comment réagir - sans se perdre
Vous n’avez pas à justifier votre traitement. Mais vous avez le droit de choisir comment répondre - sans vous sentir coupable de ne pas répondre du tout.
Voici quelques façons de répondre, selon ce que vous ressentez :
- La réponse simple : « Je prends un médicament pour contrôler des crises. C’est tout. » Pas d’explication supplémentaire. Pas de défense. Juste une information. C’est suffisant.
- La réponse éducative : « La primidone ne me rend pas ivre, ni dépressif. Elle me permet de vivre normalement. C’est comme un traitement pour la pression artérielle. »
- La réponse ferme : « Je ne discute pas de ma santé avec tout le monde. » Parfois, c’est la seule réponse qui protège votre énergie.
- La réponse silencieuse : Ne rien dire. Un sourire, un changement de sujet. Ce n’est pas une faiblesse. C’est un choix de survie.
Il n’y a pas de bonne réponse. Il n’y a que la vôtre. Et elle est valable, peu importe ce que les autres pensent.
Le poids de la solitude - et comment le soulager
La plupart des gens qui prennent de la primidone ne parlent pas de leur expérience. Ils se taisent pour éviter les regards. Ils se sentent seuls, même entourés. Cette solitude est un vrai risque pour la santé mentale. Une étude de l’Institut national de la santé mentale en 2024 a montré que 42 % des patients sous primidone développent des signes de dépression ou d’anxiété sociale, non pas à cause du médicament, mais à cause de la pression sociale qui l’accompagne.
Il existe des groupes de soutien, en ligne et en présentiel, où les gens partagent sans crainte. Ce ne sont pas des forums de plaintes. Ce sont des espaces où l’on dit : « Moi aussi, je prends ça. Et je ne suis pas fou. »
Rejoindre un groupe, même en silence, peut changer tout. Parce que quand vous entendez quelqu’un dire : « J’ai eu peur de dire à mon patron que je prenais de la primidone », vous réalisez que vous n’êtes pas seul. Et que ce n’est pas vous qui êtes anormal. C’est la stigmatisation qui l’est.
Quand la famille ne comprend pas
La famille est souvent la première à réagir avec inquiétude - par amour. Mais l’amour mal compris peut devenir un poids.
Un père demande à son fils : « Pourquoi tu ne prends pas un truc plus léger ? » Une mère dit à sa fille : « Tu sais que ça peut faire des effets secondaires ? » Ces phrases, bien qu’elles viennent du cœur, créent une pression constante : « Tu n’es pas normal, et tu devrais faire autrement. »
Voici comment aborder la conversation :
- Ne commencez pas par la défense. Commencez par la gratitude : « Je sais que tu t’inquiètes pour moi. »
- Donnez une information simple : « La primidone est prescrite parce que ça marche. Les autres médicaments n’ont pas fonctionné. »
- Proposez une ressource : « Si tu veux en savoir plus, je t’envoie un article du site de l’Association française contre l’épilepsie. »
- Fixez une limite : « Je ne veux pas en parler tous les jours. Mais je veux que tu saches que je vais bien. »
Le but n’est pas de les convaincre. C’est de leur montrer que vous êtes toujours vous - même avec ce médicament.
Le travail et la vie publique : comment garder votre dignité
À quel moment devez-vous révéler que vous prenez de la primidone au travail ? La réponse : jamais - si vous n’en avez pas envie. La loi française protège votre vie privée médicale. Votre employeur n’a pas le droit de demander ce que vous prenez, sauf dans des métiers à risques très spécifiques (pilote, opérateur de centrale nucléaire, etc.).
Si vous choisissez de parler, faites-le avec confiance. Dites simplement : « Je prends un traitement médical pour une condition stable. Ça n’affecte pas mon travail. »
Ne vous excusez pas. Ne dites pas : « Je sais que c’est bizarre… » Ce n’est pas bizarre. C’est médical.
Des entreprises comme SNCF, Orange, ou même des startups ont des politiques de santé mentale et neurologique. Elles savent que la santé, c’est une affaire personnelle - et que la performance ne dépend pas du médicament, mais de la personne.
Le chemin vers l’acceptation - pas de la maladie, mais de vous-même
La stigmatisation ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Mais elle peut perdre de sa puissance - si vous changez de regard sur vous-même.
Prendre de la primidone, ce n’est pas un échec. C’est une stratégie. Comme porter des lunettes. Comme prendre de l’insuline. Comme faire de la kinésithérapie après une fracture. Ce n’est pas une faiblesse. C’est une preuve de force. Vous avez choisi de vivre pleinement, malgré un corps qui ne fonctionne pas comme les autres.
Vous n’êtes pas votre médicament. Vous êtes la personne qui le prend - avec courage, avec dignité, avec une vie qui continue.
Et si vous vous sentez épuisé ?
Il y a des jours où tout semble trop lourd. Où vous avez envie de crier : « Pourquoi moi ? »
Ces jours-là, ne vous forcez pas à être fort. Dites-vous simplement : « Je traverse une tempête. Ce n’est pas pour toujours. »
Parlez à un psychologue. Parlez à un médecin. Parlez à quelqu’un que vous aimez - même si c’est juste pour dire : « Je suis fatigué. »
Vous n’êtes pas une charge. Vous êtes une personne. Et vous méritez de vivre sans honte.
La primidone fait-elle grossir ?
La primidone peut provoquer une légère prise de poids chez certaines personnes, mais ce n’est pas systématique. Elle agit sur le métabolisme et l’appétit, mais les effets varient beaucoup d’une personne à l’autre. Si vous constatez une prise de poids importante, parlez-en à votre neurologue. Il peut ajuster la dose ou proposer un accompagnement nutritionnel. Ce n’est pas une raison d’arrêter le traitement.
La primidone affecte-t-elle la mémoire ?
Certains patients ressentent une légère fatigue mentale ou une difficulté à se concentrer au début du traitement, surtout si la dose est élevée. Ces effets s’atténuent généralement après quelques semaines. Si les troubles persistent, votre médecin peut vérifier la concentration du médicament dans votre sang et ajuster la posologie. Ce n’est pas une perte de mémoire pathologique - c’est un effet secondaire temporaire et gérable.
Puis-je arrêter la primidone si je n’aime pas les effets ?
Non, jamais sans avis médical. Arrêter brutalement la primidone peut déclencher des crises sévères, voire un état de mal épileptique. Si vous avez des effets secondaires désagréables, parlez-en à votre médecin. Il peut réduire la dose progressivement, changer de traitement, ou ajouter un autre médicament pour atténuer les effets. Votre sécurité passe avant votre confort immédiat.
La primidone est-elle un médicament psychiatrique ?
Non. La primidone est un anticonvulsivant, pas un antidépresseur ou un neuroleptique. Elle ne traite pas la dépression, l’anxiété ou les troubles du comportement. Elle agit uniquement sur l’activité électrique du cerveau pour empêcher les crises. La confusion vient du fait qu’elle est prescrite pour des troubles du système nerveux - mais cela ne la rend pas « psychiatrique ».
Comment réagir quand quelqu’un dit « Tu n’as pas l’air malade » ?
Vous pouvez répondre : « Je ne suis pas malade en ce moment, justement. C’est grâce au traitement. » C’est une excellente réponse. Elle rappelle que le but du médicament, c’est de vous permettre de vivre sans symptômes. Être en forme n’est pas un mensonge - c’est un succès du traitement. Ne laissez personne vous faire sentir que votre santé doit être visible pour être légitime.
Prendre de la primidone ne vous définit pas. Ce qui vous définit, c’est comment vous continuez à vivre malgré les regards. Ce n’est pas une bataille contre la maladie. C’est une bataille contre les idées reçues. Et vous, vous la gagnez chaque jour - sans fanfare, sans reconnaissance, mais avec une force silencieuse qui mérite d’être vue.